L’ÂME DE CUIR!
الروح الجلدیة ALRUWH ALJILDIA
THE SOUL OF LEATHER!
L’ESPACE CULTUREL GINGKO’ART COMPTE PLUS DE 7000 OUVRAGES SUR L’ART DANS SA BIBLIOTHEQUE DONT CERTAINS TRES RARES. DES MONOGRAPHIES, DES CATALOGUES RAISONNES SUR LA PEINTURE, LA SCULPTURE, L’ARCHITECTURE ET LA PHOTOGRAPHIE;QUELQUES LIVRES SUR LES CIVILISATIONS.
NOUS REMERCIONS ICI CATHERINE TRECCANI RELIEUSE ET SON APPRENTI ALKOMEIT REZK POUR LA QUALITE DU TRAVAIL EFFECTUE SUR L’OUVRAGE, HISTOIRE CATALOGRAPHIQUE, DE MANET PAR TABARANT, EDITIONS MONTAIGNE, PARIS 1931, NUMEROTE 170 SUR 225.
AINSI QUE SUR LES DEUX MONOGRAPHIES: EDITIONS LOUIS MICHAUD, HONORE DAUMIER, ARSENE ALEXANDRE, DAUMIER, AUX EDITIONS RIEDER, PARIS 1928. .
LES OUVRAGES ONT RETROUVES LE RAYON DE LA BIBLIOTHEQUE DE LA CHAPELLE DU XVEME SIECLE DANS UN HABIT DE CUIR MAGNIFIQUE!
UN GRAND MERCI A CATHERINE, GRANDE DAME DE LA RELIURE ET MONSIEUR ALKOMEIT REZK.
Une bibliothèque, c’est une âme de cuir et de papier. Il n’y a pas meilleur moyen pour fouiller dans les tréfonds d’une psyché que de jeter un œil aux ouvrages qui la composent. La sélection, le rangement, le contenu, même la qualité de la reliure : tous les détails sont importants.
Les métiers d’art, d’excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels
LES MÉTIERS D’ART, VITRINE DE LA FRANCE
Parmi les entreprises artisanales, les métiers d’art occupent une place particulière. Grâce à des activités à forte valeur ajoutée, appuyées sur un savoir- faire souvent ancien et toujours pointu, ces entreprises constituent une vitrine pour l’artisanat tout entier, participant au développement local et contribuant à valoriser l’image de la France.
« J’éprouve de la reconnaissance pour les relieurs… Dans ma bibliothèque, la série des textes grecs s’en va en morceaux, les pages retenues par des élastiques. Seuls subsistent tout fiers ceux qui avaient été reliés résistant à tout mon labeur. Quiconque aime les livres aime les voir ainsi bien habillés, comme parés pour entrer dans la durée. J’éprouve aussi du respect pour les relieurs »… « je ne pouvais qu’admirer ce beau travail d’artisan où se reconnaissait le goût de la perfection… »
Jacqueline de Romilly, in Le geste et la parole des métiers d’art, sous la direction de Renaud Dutreil et Erik Orsenna, 2004.
Qu’est-ce que la reliure ?
C’est avec l’apparition du codex, au Ier siècle, que la reliure naît et crée l’objet- livre que nous connaissons encore aujourd’hui.
Le codex est en effet un livre constitué d’un ensemble de feuilles pliées formant des cahiers, qui sont ensuite reliés, ce qui le différencie du volumen ou livre en rouleau. Étape nécessaire à la réunion des cahiers écrits et donc à leur lecture, moment indispensable pour la conservation de ces textes, la reliure est un élément fondamental du livre.
Elle s’oppose au brochage, qui se caractérise par une couverture directement collée ou cousue au dos du livre, qui n’offre pas la même solidité dans le temps. La reliure peut se résumer techniquement à la couture des cahiers, à la pose de plats rigides ou flexibles, qui ne sont pas solidaires du corps d’ouvrage, et d’un matériau de couvrure des plats. Ce n’est qu’au XVII ème siècle que le terme de reliure prend le sens de « manière dont un livre est relié » : dans ce sens, la reliure donne alors à voir son histoire, ses évolutions techniques, ses multiples ressorts artistiques, ses originalités de matériaux ou de décors, et ses styles, souvent liés au renom des relieurs.
La reliure reste une réponse à des contraintes, et en premier lieu celle de la commande. En effet, le commanditaire indique au relieur ses désirs de matériaux, de formes et surtout de prix ; le relieur doit répondre à ses demandes à partir de cahiers écrits. Le commanditaire devenu libraire.
La reliure : des techniques minutieuses, un vocabulaire spécifique
Les relieurs reproduisent depuis des siècles les mêmes gestes techniques minutieux et suivent un processus lent, dû en particulier aux temps de séchage et de mise en presse. Il existe de nombreuses variantes d’une même technique, autant que de relieurs qui recherchent des solutions originales en fonction de leur habileté et de leur ingéniosité. Les techniques mises en œuvre pour la confection des reliures sont des indices de datation ou de provenance d’un livre.
La reliure emploie un vocabulaire spécifique qui peut la faire apparaître aux novices comme un art complexe.
L’objet-livre, qu’il soit ordinaire ou précieux, et que nous conservons dans nos bibliothèques, si belles lorsque le dos de nos livres présentent une cohérence esthétique, naît de la technique et de l’art du relieur.
La reliure est aussi un art à contempler, quitte à être parfois aujourd’hui dans sa propre contradiction en protégeant « les exemplaires les plus rares d’une enveloppe si précieuse que le lecteur appréhende de s’en emparer et de les ouvrir et envisage encore moins de les lire ».
HISTOIRE DE LA RELIURE
Les sources convergent pour établir la naissance de l’écriture à Sumer en Mésopotamie (Irak) vers 3500 ans avant Jésus-Christ. Des signes pictogrammes sont alors tracés sur de petites tablettes d’argile humide au moyen d’un roseau taillé en pointe. Ils sont remplacés par l’écriture cunéiforme vers 3300 avant Jésus-Christ. Durant toute l’Antiquité, le livre se présente sous forme d’un rouleau de papyrus ou de parchemin (cuir obtenu par le tannage de peau d’animal) enroulé autour d’un bâton, c’est le volumen.
La reliure apparaît vers le IIe siècle après Jésus-Christ, lorsque ce support de l’écriture devient carré; le codex. Un fil de couture assemble désormais les feuillets pliés les uns dans les autres qui constituent le livre. À patir du VIe siècle la couverture est décorée de compositions géométriques tracées sur le cuir humide.
Mais c’est au Moyen-Âge que la reliure devient un art. Le verbe relier vient du verbe lier, ligare en latin. Il apparait dans la seconde moitié du XIIe siècle. Toute l’activité intellectuelle et artistique est concentrée dans les monastères. Le moine chargé de la reliure est appelé le ligator. Le livre est cousu sur des nerfs de boeuf créant des épaisseurs sur le dos de la reliure et fixant des plats en bois recouverts de peau (truie, cerf, âne…). Les couvertures sont estampées de fleurons (en bronze) chauds laissant une trace en relief. Avec l’apparition du carton et du papier au XIVe siècle puis de l’imprimerie en 1455, le livre devient plus petit, moins épais ce qui permet à la reliure de s’affiner. Les livres imprimés avant 1500 sont les incunables.
À la Renaissance, le grand changement technique est le grecquage qui consiste à entailler le dos des cahiers à la scie pour y loger la ficelle de couture et obtenir ainsi un dos lisse. Des inovations décoratives voient le jour avec l’utilisation de feuilles d’or et de fleurons italiens à motifs de petites feuilles réalisant une empreinte en creux et permetant des réalisations somptueuses comme les décors à la fanfare.
Dès lors, le principe fondamental du montage de la reliure reste le même. Au XVIIe siècle, les cuirs utilisés sont des peaux de chèvre et de veau. La marbrure (inventée au Japon au XIIe siècle) est utilisée pour les papiers de garde avec des motifs dits à peigne. Les décors dorés fleurissent sur les dos, ils sont réalisés à partir de fleurons composés de petits points. Les plats s’ornent de riches compositions avec, entre autres, les décors à la Du Seuil, à l’éventail et les reliures royales.
Les reliures du XVIIIe siècle affichent des caractéristiques semblables. Les papiers marbrés sont à motif coquillé. Les reliures royales, à la dentelle, aux armoiries, à la grotesque proposent des réalisations de grande qualité. Devant le nombre grandissant de livres imprimés, certains sont reliés de façon plus ordinaire, sans décor, alors que d’autres sont simplement brochés (cousus et recouverts de papier).
Au XIXe siècle, la reliure à dos brisé devient une règle: le cuir n’adhère plus au dos du livre, une bande de carte fait l’intermédiaire, c’est le faux-dos. Il évite au cuir de se fendre et offre au livre une meilleure ouverture. La préférence pour les cuirs va vers le veau et le maroquin (chèvre). Les papiers marbrés sont cailloutés, coulés ou ombrés et font leur apparition sur les plats créant la demi- reliure. Les décors suivent les courants Empire et Romantique de l’époque. La reliure industrielle, permettant de relier les livres par grandes séries, fait son apparition dans la seconde moitié du siècle.
Il faut attendre le XXe siècle pour qu’une transformation radicale du décor s’opère: l’utilisation des fleurons est bannie pour laisser place à des compositions mêlant des filets dorés, des mosaïques et l’inclusion de matériaux insolites comme le métal, le bois, la nacre voire le plastique. Les décors sont Art-nouveau, Art-déco, surréalistes, abstraits… Plus qu’une simple expression esthétique, la couverture de la reliure peut alors suggérer le texte.
Bénéficiant depuis d’une grande liberté de création décorative, les relieurs du XXIe siècle orientent leurs recherches vers de nouvelles structures de montage. Celles-ci visent à assurer aux ouvrages une bonne ouverture, une protection efficace en leur garatissant une conservation à long terme sans exclure l’aspect créatif sur les couvertures. Nombreuses, offrant une infinité de déclinaisons, elles se nomment reliure tressée, à structures croisées, à mors ouvert, à charnières piano, à la japonaise, criss-cross…
Les changements techniques et physiques qu’elles induisent sont considérables: les rubans passent sur les plats pour les décorer, les coutures deviennet apparentes, le fil peut être remplacé par une tige métallique, la colle n’est plus nécessaire pour maintenir les cahiers, le dos reste plat…
Une importance particulière est apportée au choix des matériaux de couvrure. Les plats sont en bois, plexiglass, polycarbonate, métal, tissu, cuirs fantaisie (perche, autruche, grenouille…). Lorsqu’il s’agit de cuir traditionnel, les effets de matière sont recherchés grâce au ponçage, au déglaçage, à la teinture, aux empreintes…
Métier d’art par excellence (puisqu’alliant technicité et création), la reliure, au fil des siècles, n’a eu de cesse de se modifier en suivant les innovations techniques, les courants artistiques et les idées de son temps.
Aujourd’hui, bien qu’étant devenue une activité discrète, elle est toujours synonyme de recherches, de dynamisme et d’évolution.
ALRUWH ALJILDIA! الروح الجلدیة
L’ÂME DE CUIR!
THE SOUL OF LEATHER!
ھذه ھي افضل وظیفة في العالم HADHIH HI AFADIL WAZIFATAN FI ALEALAM LE PLUS BEAU METIER DU MONDE…
الروح تطیر alruwh tatir L’ÂME EGAREE! THE LOST SOUL!
MALHEUREUSEMENT MONTRER LE CHEMIN N’A PAS SUFFIT !
IL AURAIT FALLU ÊTRE INFORME AFIN DE SUIVRE LES PAS ET GUIDER CELUI QUE VOUS CHERISSEZ…
Se figurer au futur et construire son avenir, y croire et se donner.
« Et toi, que veux-tu faire dans la vie ? »
Voudrais tu devenir relieur? Pour qu’il l’envisage et qu’il commence à s’identifier dans des choix possibles. Envisager un avenir, c’est se le figurer et voir déjà son image du futur. Janus, divinité romaine fêtée en janvier et associée au passage du temps et des portes, est connu pour présenter les deux visages du passé et du futur. Sur la ligne du temps, comme sur celle des possibles, Janus Clusius est celui qui clôt, et Janus Patulcius est celui qui ouvre.
Il ne s’agit plus seulement de se représenter un but à atteindre, mais de s’impliquer dans un destin de soi comparable à la vision incarnée de soi à l’état présent.
Mais, le futur artisan devait se sentir acteur de la situation future pour que son image puisse se rattacher au concept de soi possible. « Des représentations personnalisées et vivantes des craintes et désirs d’un individu pour son avenir ».
Bien sûr, la construction de soi est contextuelle et l’émergence des sois possibles advient sur un socle socio-culturel et inter culturel. Celui-ci expose à des sources d’inspirations, des modèles accessibles et mentors, et agit sur le champ des possibles et des stratégies d’accès, plus ou moins ouverts ou normatifs – Janus Patulcius qui ouvre ou Janus Clusius qui clôt. Les expériences personnelles passées fondent les éléments de l’identité, l’estime de soi et la clarté du concept de soi. L’imagerie mentale. Vivre une expérience en activant tous les sens pour que l’action ait la saveur la plus proche de la réalité et soit convoquée comme telle. On ne fait pas que « voir » la scène, on l’éprouve pleinement. Cette technique fait partie des fondamentaux de la sophrologie, elle est connue en particulier pour la préparation aux examens et aux épreuves sportives. On utilise dans le langage courant les termes de préparation mentale ou de visualisation.
Quand la friction intérieure des sois ouvre à la réussite
En conclusion, les procédures de « contraste mental » sont des leviers de mobilisation opérants. À inviter avec bienveillance selon le contexte et l’histoire des individus, et la nature des sois possibles.
« Face à un individu qui porte sur un soi futur un regard particulièrement positif, on l’aidera à imaginer les comportements nécessaires pour l’atteindre, mais on rappellera aussi les obstacles qu’il peut rencontrer sur son chemin, afin qu’il puisse développer les stratégies adaptées même dans cette éventualité. »
« L’avenir n’est que du présent à mettre en ordre. »
Antoine de Saint-Exupéry.
Quand l’amour vous fait signe de le suivre, suivez le,
Bien que ses chemins soient rudes et escarpés.
Et lorsqu’il vous étreint de ses ailes, abandonnez-vous,
Bien que l’épée cachée dans ses pennes puisse vous blesser.
Et quand il parle, croyez en lui,
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste le jardin.
Khalil Gibran
LA RELIURE
À Byzance
De tout temps, les hommes ont éprouvé le besoin de protéger textes et documents. À côté des tablettes de terre cuite, épaisses et indestructibles, les Assyriens et les Babyloniens en utilisaient parfois de si minces qu’ils les plaçaient dans un étui, lui-même de terre cuite. De bonne heure aussi, on a su réunir par des anneaux ou par des fils les tablettes de bois ou d’ivoire, ce que faisaient les Hittites, dès le VIIe siècle av. J.-C., en liant extérieurement ces tablettes par une lanière de cuir. En Égypte, plus tard en Grèce ou à Rome, il suffisait, pour protéger le livre de papyrus en forme de rouleau (volumen), de le glisser dans un sac cylindrique. Mais, dès le IIe siècle de notre ère, apparaît le livre écrit sur parchemin, soit en forme de rouleau, soit constitué de feuilles collées par leur tranche latérale, de façon à s’ouvrir en accordéon, les feuillets des deux extrémités étant collés à des plaques de bois ou de carton recouvert de brocart.
Mais on ne peut parler de reliure qu’à partir du moment où le livre prend la forme du codex composé de cahiers. La couture de l’ensemble des cahiers s’attache sur les ais. L’artisan-relieur après avoir collationné le bon ordre des cahiers, laisse un certain temps le volume sous presse avant de coudre entre eux les cahiers. Il pratique la couture sur nerfs, formant des saillies au dos du volume, ou le grecquage, les fils venant se loger dans des entailles faites à la pliure des cahiers (reliure à dos long). Il constitue ainsi le bloc des cahiers, les attache ensemble en même temps qu’il les coud aux ais. Cette pratique est de loin la plus fréquente, car c’est elle qui assure la plus grande solidité au bloc de cahiers. Les feuillets de bois qui le composent étaient réunis par deux fils, l’un en haut, l’autre en bas. L’intérieur des ais est protégé par des contre-gardes et des gardes, tandis que la tranche du volume est souvent teinte ou dorée. Les reliures byzantines n’ont pas de chasses, c’est-à-dire que les ais sont taillés aux dimensions exactes du corps du livre. Il s’ensuit que la tranchefile brodée en tête et en queue est plus haute que les ais sur lesquels elle se prolonge, surmontée par la coiffe. Ce type de reliure, avec sa tranchefile haute et sa coiffe débordante, est si particulier que les manuscrits grecs et de même, les imprimés grecs reliés en Occident au XVIe siècle et jusqu’au début du XVIIe siècle l’ont été à la mode grecque.
Le relieur recouvre ensuite de cuir ou de toile la totalité des plats (reliure pleine), ou seulement le dos et les coins (demi-reliure), ou encore le bord des plats (reliure à bandes). Les peaux les plus solides et les plus belles sont le maroquin et le chagrin (peau de chèvre). Le veau est lisse et se prête à de beaux effets, mais il est fragile. Le parchemin a tendance à devenir cassant. La basane (peau de mouton) est moins solide que beaucoup de toiles communément employées de nos jours. La couvrure terminée, un ouvrier spécialisé sertit souvent les plats de fines lamelles de peaux (reliure mosaïquée).
Très tôt, on se préoccupe d’enrichir ces reliures. La majorité des manuscrits étaient couverts de cuir orné de dorures. Le doreur, exécute le décor, qui peut être de son invention, ou encore dû à un maître. Le décor est réalisé selon la technique de l’« estampage à froid », l’impression des fers (fleurons, filets) se faisant en réalité à chaud mais sans dorure, sur une reliure de cuir que portent des ais de bois. Souvent, il pousse ces fers sur des feuilles d’or posées sur le cuir (reliure dorée). Les décors sont obtenus par la répétition de petits fers rectangulaires, carrés, losangés, circulaires ou triangulaires, dont les motifs iconographiques sont relativement limités en nombre. Des éléments métalliques (en argent ou en cuivre), viennent compléter la décoration sur les angles de chacune de deux plaques de reliure : les gammata. Le centre de la plaque supérieure était habituellement décoré d’une Crucifixion, les deux plats d’une même reliure étant ornés habituellement selon des plans différents. Les manuscrits les plus luxueux étaient décorés de riches reliures ornées de plaques d’ivoire (Évangile de Saint-Lupicin) ou plaques émaillées agrémentées de pierres précieuses (plaque avec l’archange Saint-Michel du Trésor de Saint- Marc). Des fermoirs ornés des ferrures ou de gemmes, complètent la reliure. Les textes officiels étaient parfois placés entre des plaques d’ivoire semblables aux diptyques consulaires ou aux ivoires impériaux à cinq compartiments (Ivoire Barberini). À Byzance et peut-être aussi à Rome, les registres officiels étaient couverts de cuir de différentes couleurs et pouvaient s’orner du portrait de l’empereur, comme en témoignent les manuscrits de la Notitia dignitatum.
Très souvent les manuscrits byzantins n’ont pas gardé leur reliure primitive, indice précieux de leur origine. La plupart des reliures que portent encore de nombreux manuscrits grecs de nos bibliothèques sont relativement récentes (XIVe-XVIe siècle). Lors de leur acquisition dans une collection privée ou une bibliothèque, plusieurs de ces manuscrits perdent leur reliure ancienne et se dotent d’une reliure moderne ornée aux monogrammes et aux armes du collectionneur ou du roi de l’époque. Le très connu Dioscoride de Juliana Anicia, entre autres, a ainsi été relié à neuf au XVe siècle.
En Islam
Au cours de la période située entre le VIIe et le XVIe siècle, le monde musulman a connu deux types principaux de reliures dont le dos uni, sans bourrelet indicateur de la présence de nerfs, peut être considéré comme la caractéristique commune. Le montage qui associe le bloc des cahiers aux plats fait généralement appel au collage des premiers et dernier feuillets – ou parties de feuillet – sur l’ais de bois ou le carton du plat ; il est, dans la plupart des cas, renforcé par un morceau de tissu collé au dos du bloc des cahiers. La doublure peut contribuer à améliorer la solidité de l’ensemble lorsqu’elle se prolonge par un talon collé sur le feuillet qui fait face au contre plat. Cet assemblage, facile à mettre en œuvre, a pour inconvénient de donner un rôle majeur aux charnières qui doivent fréquemment être remplacées pour maintenir l’association entre les deux composantes.
La reliure de loin la plus répandue comporte, en sus du dos et des plats, deux pièces mobiles, le rabat et le recouvrement, qui prolongent le plat inférieur ; l’articulation entre ces divers éléments repose sur la couvrure qui fait office de charnière. Le rabat, qui se place devant la tranche de gouttière, et le recouvrement, qui prend position soit au-dessus du plat supérieur, soit sous ce dernier, contribuent à protéger le livre lorsqu’il est fermé ; le premier est un rectangle aux dimensions de la tranche alors que le second se présente comme un pentagone dont la pointe atteint généralement le centre du livre. Un unique exemple de ce type de reliure remonte à la période omeyyade (début du VIIIe siècle) : il recouvrait un codex documentaire et son état ne permet plus d’observations sur les techniques employées. Il suggère néanmoins que les procédés utilisés dans l’Antiquité tardive se maintenaient alors.
Vers la même époque peut-être, un nouveau type avait vu le jour : il s’agit d’une reliure-coffret, le plus souvent de format à l’italienne, spécifique au manuscrit coranique. Elle participe à sa façon d’un effort mené alors pour donner aux copies du Coran une identité visuelle forte (VIIIe-Xe siècle) ; elle disparaît par la suite. Ses ais sont en bois ; sur la face intérieure du plat inférieur, une bande de cuir est collée de manière à former une paroi continue qui dissimule des tranches du codex. Dans le chant de l’ais supérieur du côté gouttière est fiché un piton sur lequel vient se nouer un cordon de cuir fixé dans l’ais inférieur afin de maintenir le volume fermé. Ce type ne possède donc ni rabat, ni recouvrement. Les ais sont recouverts de cuir, souvent travaillé : une première technique consiste à estamper des fers, une seconde à insérer une ficelle entre la couvrure et l’ais de manière à produire un motif en relief, le plus souvent une forme géométrique.
Des reliures avec rabat et recouvrement sont conservées en nombre substantiel à partir du XIe siècle. Leurs ais sont en carton. Dans un premier temps, les décors estampés s’inspirent de ceux des reliures-coffrets, quoique les fers soient de dimensions généralement plus réduites. Dans la majorité des cas, mais pas dans tous, la même composition figure sur les deux plats. De même, le recouvrement peut être l’écho de cette dernière, ou s’en distinguer radicalement. La décoration du plat repose volontiers sur des motifs centraux circulaires inscrits dans un champ rectangulaire dont les angles sont coupés. Sur les exemples les plus élaborés, les relieurs meublent cet espace d’écoinçons, de pendentifs… Plus rarement enfin, ils couvrent de décor tout le plat. Ils ont le plus souvent à leur disposition une dizaine de fers au plus ; leur habileté consiste donc à les combiner pour obtenir des dessins complexes. À la charnière entre les XIIIe et XIVe siècle, un nouvel ornement central fait son apparition : il s’agit de la mandorle dont la forme allongée dans la verticale s’adapte sans doute mieux à la disposition du champ. Son remplissage par estampage de petits fers poursuit les pratiques antérieures, avec une préférence toutefois pour des entrelacs plus fins.
L’emploi du cuir domine pour la couvrure, mais des textes montrent que les textiles étaient également utilisés très tôt. L’estampage, souvent utilisé seul, peut être associé à la dorure au moins dès le XIIIe siècle ; les artisans semblent avoir employé pour cela de l’or liquide. Les motifs des fers empruntent volontiers à un monde végétal stylisé, à la géométrie sous toutes ses formes et, plus rarement, à l’épigraphie. Les compositions quant à elles reposent davantage sur la géométrie. Les contre plats sont parfois doublés d’un simple papier, mais des solutions plus raffinées existent : textiles, cuirs pressés et, plus tard, filigranes. Ce dernier procédé, associant du cuir avec un fond de soie, se rencontre plus rarement sur des plats, notamment dans l’Égypte mamluke, malgré le risque de déchirure auquel cette position exposait le décor. À partir du XVe siècle, des exemples de reliures en textile, parfois extrêmement luxueuses, ont été conservés. Enfin, quelques maîtres savent réaliser à l’aide de pochoirs des décors figuratifs ou végétaux.
À la fin du XVe siècle, une avancée technique modifie substantiellement l’évolution de la reliure. On imagine en effet de graver des plaques de la taille du décor central en forme de mandorle de manière à l’estamper en une seule opération ; des fers spécifiques peuvent les compléter pour réaliser de la même manière les écoinçons, les pendentifs et même parfois le motif ornant la pointe du recouvrement. Ce progrès s’est sans doute accompagné d’un changement dans le type de presse utilisée. Les motifs, généralement floraux, apparaissent en relief, un relief parfois renforcé par des artifices techniques. La dorure, voire la peinture, vient rehausser le résultat final. Un développement de ce procédé consiste à préparer des plaques qui permettent d’estamper tout le plat en une ou deux opérations : elles puisent soit au même répertoire que les premières, soit, plus rarement, à celui des miniatures ; dans ce dernier cas, il s’agit d’œuvres d’origine persane.
En Europe occidentale
Pour protéger le manuscrit contre l’usure et la dégradation, il convient d’en abriter les pages sous une reliure en matériaux divers faisant office de contenant. Au Moyen Age, les cahiers de parchemin ou, plus rarement, de papier – numérotés, signés et pourvus généralement d’une réclame au bas du dernier feuillet, c’est-à-dire des premiers mots du cahier suivant, afin de faciliter la constitution du volume – sont cousus à l’aide d’une aiguillée de fil (lin ou chanvre) solidement amarrée à une armature perpendiculaire de nerfs formant le dos de l’ouvrage. La plus ancienne représentation connue d’un cousoir médiéval figure dans un manuscrit de Bamberg datant du milieu du XIIe siècle, ce qui ne revient pas à dire que l’instrument n’était pas déjà connu à l’époque carolingienne.
Depuis le huitième siècle au moins, les reliures occidentales sont caractérisées par l’emploi de double nerfs constitués à l’origine par de véritables nerfs de bœuf, et peu à peu remplacés par du parchemin roulé, des bandelettes de peau ou de la ficelle pliée en deux. La tranchefile, tressée ou brodée, parfois de soies de couleur, sert à maintenir les cahiers en place ainsi qu’à renforcer le dos en tête et en queue du corps d’ouvrage. Sur le livre cousu, le lieur (du latin ligator) adapte deux planchettes baptisées ais qui forment comme une châsse mobile. Il y fixe les nerfs après avoir entaillé le bois pour les dissimuler. Plusieurs systèmes d’attache sont expérimentés au fil du temps. Les plats s’amincissent et s’allègent progressivement avec la vulgarisation relative de l’objet livre, ainsi que la laïcisation de sa fabrication. La légende veut que Pétrarque manquât d’être amputé pour s’être fait tomber un exemplaire « monastique » des Lettres de Cicéron sur la jambe ! L’accident aurait amené les Italiens à troquer les ais de bois contre du carton…
La couvrure externe est généralement de cuir, parfois de velours et la face interne des ais s’habille habituellement d’un feuillet de parchemin, neuf ou de remploi ; l’usage d’un bifolium à cet endroit ménage l’équivalent d’une page de garde volante en tête du volume et contribue à la sauvegarde du début du texte, souvent endommagé dans les manuscrits modestes. Les contregardes de récupération ainsi collées sur les contreplats présentent parfois des fragments d’ouvrages mis au rebut qui s’avèrent du plus grand intérêt pour l’historien des textes. Les reliures les plus anciennes s’ajustent au format de leur contenu (on dit qu’elles n’ont pas de chasses); les feuillets étaient égalisés au moment du montage, et fréquemment rognés lors d’une restauration ultérieure, car rares sont les codices à avoir conservé leur couvrure d’origine. De surcroît, la codicologie demeure une science récente et les collectionneurs de l’âge moderne, princes ou érudits, n’attachaient pas au livre la même valeur archéologique que lui accordent nos contemporains ; bien des dessins ou des indications en marge furent sacrifiés sur l’autel des modes bibliophiliques.
Le rangement des livres debout sur les étagères entraîna aussi la suppression des boulons (clous de métal placés sur les ais pour en protéger la couvrure), fermoirs ou chaînes métalliques qui en alourdissaient les plats : à partir du XIIIe siècle, avec le développement de bibliothèques universitaires telles la « librairie » de la Sorbonne, les ouvrages les plus demandés étaient en effet attachés aux pupitres de consultation afin d’en éviter le vol (Paris, BnF, nal 226 : boulons, fermoir, chaîne). La diversité esthétique des reliures médiévales dépend donc avant tout des pratiques liées aux usages multiples de ce produit rare et polymorphe que demeure le livre avant l’invention de l’imprimerie en Occident. Le sacramentaire précieux conservé dans le Trésor d’une Eglise pour la célébration des grandes fêtes religieuses ne se manipule pas comme un exemplaire glosé des Sentences de Pierre Lombard !
Le « Psautier de Charles le Chauve » (Paris, BnF, ms. latin 1152) – une création majeure de l’atelier de cour au service de l’empereur carolingien – a gardé son aspect primitif, avec ses plats ornés de deux plaques d’ivoire entourées de bordures d’argent doré serties de gemmes. Dans sa matérialité même, le manuscrit offert par le petit fils de Charlemagne à la cathédrale de Metz vers 870 est un objet de culte doté d’une forte charge symbolique. Et le livre va jusqu’à se muer en reliquaire sacré lorsqu’il abrite des restes saints (en général des bouts d’os) insérées dans son armature de bois (British Library, Ms. Ad. 11848). Inversement, des ouvrages soumis à une consultation fréquente et itinérante adoptent progressivement le format de poche et un habillage adéquat : les reliures à l’aumonière, qu’une pièce de cuir souple fixée aux ais prolonge, permettaient de fixer à la ceinture livres d’heures et autres recueils propices à la dévotion (USA, Caroline du Sud, Newberry Library Ms. 38). Elles se multiplient en Europe du Nord et de l’Est à la fin du Moyen Age, comme en atteste la peinture et la sculpture contemporaines. Une autre solution consiste à fixer des anneaux sur les plats puis à y passer une corde que l’on se noue autour de la taille.
A compter du XIIe siècle, certains manuscrits se drapent dans une enveloppe de peau ou de tissu supplémentaire dénommée chemise ou liseuse, cousue ou non à la couvrure d’origine et généralement beaucoup plus large que cette dernière ; ramassée en boule, elle peut servir de support d’appoint au livre ouvert, et en redouble la protection lorsqu’il est fermé. Les reliures cisterciennes anciennes sont la parfaite illustration de l’emploi de cette « seconde peau » dans le domaine monastique, tandis que l’aristocratie princière et laïque développe à partir du Moyen Age central un goût de plus en plus prononcé pour l’emploi d’étoffes précieuses en bibliothèque : le drap de satin bleu à fleurs de lys brodées de fil d’or est une commande royale de la seconde moitié du XIVe siècle qui vient ainsi rehausser la somptuosité du Psautier dit de saint Louis et de Blanche de Castille (BnF, Arsenal, ms. 1186 Rés.), monté sous un bel exemple de reliure romane estampée à froid. Ce décor simple de petits fers et de filets repoussés domine le haut Moyen Age et caractérise l’atelier conventuel qui l’a réalisé. Au XIIIe siècle se banalisent les peaux de couleur et les motifs figuratifs variés, une tendance accentuée aux XIVe et XVe siècles où la gravure sur cuir gagne en précision grâce à la technique de la ciselure, très répandue dans les pays germaniques. L’introduction de la dorure à chaud, venue d’Italie, sous Louis XII, s’accompagne d’une complicité nouvelle entre l’artisan et le commanditaire, autorisant l’avènement d’une originalité propre en lien avec l’expression graphique du temps – des créations d’Etienne Roffet pour François Ier et Jean Groslier aux mosaïques pré-révolutionnaires de Padeloup, de Marius Michel à Pierre Legrain, lequel a su adapter tous les thèmes de l’esthétique moderne pour faire de la reliure l’une des composantes majeures du livre d’artiste au XXe siècle.